nathalie epron auteure

nathalie epron auteure

Le must de la mer

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Pour chiner le meilleur de la conserve iodée, rien de mieux que de se tourner vers la péninsule ibérique. Elle offre un incomparable bestiaire de la mer aux fins palais de la terre.

 

Un océan de saveurs

 

A la différence de la France, la conserve de poisson et de coquillage fait depuis longtemps partie intégrante de la culture gastronomique espagnole. Loin d’être un pis aller pour soirs de disette, elle a toujours été appréciée de manière qualitative, comme une véritable aubaine qui permettait de pouvoir consommer du poisson et des fruits de mer toute l’année sans tenir compte de la saisonnalité des espèces. Les Espagnols en sont donc très friands, notamment sur la côte nord où les sardines, poulpes, anchoas, oursins, moules, berberochos (coques), couteaux et autres zambourinas (pétoncles) constituent l’ordinaire des pintchos ou tapas proposés.

 

Une idylle croissante

 

L’idylle entre les Français et les produits de la mer en boîte est beaucoup plus tortueuse mais répond, aujourd’hui, à une vraie curiosité de gourmet. Et c’est précisément pour accompagner cette envie-là qu’est proposée toute une gamme de conserverie de la mer très qualitative gustativement et esthétiquement avec un habillage sobre et élégant, une mise en boîte si flatteuse à la vue qu’elle peut s’exposer directement sur une table dressée sans faire injure à sa belle tenue.

 

Le merroir

 

En passant d’une intention initialement économique (conserver les produits de la pêche) à une vocation gastronomique, on peut aujourd’hui parler de “merroir” comme on parle de terroir, pour évoquer les qualités d’une espèce marine selon son milieu d’origine et sa méthode de capture. Et dans ce registre, la mer Cantabrique et la Galice, tout comme sa cousine celte bretonne, est l’un des meilleurs merroirs d’Europe.

 

Les délices de La Galice

 

Avec ses 1200 kilomètres de côtes battues par les vagues puissantes de l’Atlantique où les falaises les plus élevées d’Europe narguent les eaux calmes des Rias, auxquelles il faut ajouter la richesse en nutriments de l’océan sous ces latitudes, la Galice et la mer cantabrique disposent d’un écosystème unique. C’est une mer où abondent encore (grâce à une pêche de plus en plus raisonnée) tous les délices dont les fameuses sardinillas délicatement confites jusqu’à l’arête.

Ce petit poisson, star incontestée de la mer en boîte, mérite une chronique à elle toute seule tant son histoire, en apparence bien huilée, est incroyable de rebondissements spectaculaires.

 

LA SARDINE : UNE HISTOIRE EPIQUE

A petit poisson, grande histoire…

 

 

Pas née de la dernière pluie, la sardine qui n’aime pas la solitude  (elle se déplace en bancs compacts) et ne tient pas en place (elle godille vers le nord en été et vers le sud en hiver) nage dans nos eaux depuis plus de 180 millions d’années.

Pêchée depuis des temps peut-être moins immémoriaux mais lointains tout de même, elle faisait déjà le bonheur des Romains, qui la dégustaient salée ou fumée, et de tous les peuples côtiers de l’Atlantique nord et de la Méditerranée qui se gavaient de ses nutriments. Appelée, comme son cousin germain le hareng, le “blé de la mer”, elle a joué un rôle prépondérant au Moyen-Age dans l’alimentation des plus démunis qui trouvaient dans ce poisson populaire une source bon marché d’énergie.

 

Petit poisson mais grands bienfaits

 

Outre les acides gras Omega 3, la sardine peut en effet se vanter de contenir du sélénium, du phosphore, du calcium, de la vitamine D et B. N’en jetez plus, le sac à vertus est plein d’autant que, se situant à l’extrémité de la chaîne alimentaire (elle est convoitée comme un mets de choix par toutes sortes de prédateurs : gros poissons, mammifères marins et oiseaux) et se contentant elle, de ne se pourlécher que de plancton ou de larve, elle ne contient pas de mercure, fléau contemporain des espèces cannibales. De plus, possédant la faculté de recycler les sédiments, elle contribue aussi à préserver la salubrité des eaux.

Décidément, cette sardine est un miracle de la nature qui n’aura pourtant pas toujours été récompensée à hauteur de ses bénéfices.

 

Une histoire houleuse

 

Sa réputation, en France, a connu des hauts et des bas, tour à tour sujette au dédain ou à l’appétit de palais “bien nés”.

Préservée dans du vinaigre, elle nourrira les grognards de Napoléon, qui pensait décidément à tout régenter entre deux sanglantes batailles, ce qui ne la rendra pas plus glamour.

Mais avec la découverte de l’appertisation (méthode de stérilisation des aliments inventée par Nicolas Appert en 1795), elle impose une présentation nouvelle (la boîte en fer blanc qui, à l’époque était scellée au fer à souder) et un goût inédit. Dans la foulée, elle prend ses quartiers de noblesse, devient un mets de luxe consommé par les plus nantis durant leurs déplacements - c’est la grande vogue des déjeuners sur l’herbe (ancêtre distingué du pique-nique animé par Dédé la Sardine) - et leurs traversées sur les paquebots transaltlantiques. Là, elle est traitée comme une reine, servie en grandes pompes et gants blancs, dans une vaisselle spécialement dédiée (sorte de beurrier en porcelaine ou cristal surmonté d’une sardine polychrome ou d’argent avec, raffinement suprême, une fourchette particulière, courte fourche en forme de trident).

Patatras, la catastrophe éclate, la première guerre et ses millions d’hommes menés à l’abattoir. Mais avant de les faire mourir, il faut bien les nourrir alors les états-majors français et allemands pensent à la boîte de sardine et à son faramineux apport nutritif (dont la qualité s’est néanmoins déjà amoindrie car elle est le premier aliment à être produit à échelle industrielle) qui viendra, dans les tranchées, rivaliser avantageusement avec les conserves de corned-beef.

De la grande distribution à la haute distinction

 

Reléguée à une pitance de poilus, congelée plus souvent qu’à son tour et préparée dans des “friteries” de l’Atlantique qui sentent le graillon et l’expéditif travail à la chaîne, la sardine en boîte perd de sa superbe et ne trouve pendant des décennies que des fonds de placard pour se planquer et en ressortir les dimanches de déprime.

Longuement snobées par les Français, les conserves s’alignent tristement sur de petits linéaires d’hypermarché avant de connaître un nouveau revirement, avec une montée en gamme de sa production, et de devenir la coqueluche des comptoirs gourmands, la star des ardoises de bistrot, l’apéro trendy des gastro-buvettes, le nec plus ultra des caves à manger, le petit plus un peu canaille (avant la consécration) des étoilés et des épiceries fines.

 

Les Grandes d’Espagne

 

Ce succès s’explique par le fait que si les conserves ne sont généralement que des succédanés d’aliments frais, la boîte de sardine, l’artisanale de qualité s’entend, a un goût propre, intemporel depuis sa création, et qui, en plus, se bonifie en vieillissant.

Aujourd’hui, plus personne ne s’étonne de la voir figurer au panthéon de la gastronomie. Et même si l’industrialisation de ce joli petit poisson continue de plus belle, la conserverie artisanale a repris de l’écaille de sardine, notamment outre-Pyrénées, saluée comme la meilleure apte à flatter les papilles les plus exigeantes.

 

HEUREUSE COMME UNE SARDINE DANS L’HUILE D’OLIVE

 

Aujourd’hui, la sardine en boîte se décline à toutes les sauces, de la plus classique à la plus exotique, mais pour les gourmets, la meilleure est celle préparée à l’huile d’olive.

 

Le mariage du siècle

 

La sardine et l’huile d’olive, c’est en quelque sorte le mariage du siècle, une rencontre foudroyante entre deux saveurs qui s’épousent parfaitement à condition, bien sûr, d’être travaillée selon les règles de l’art, avec toutes les précautions nécessaires à l’intégrité et à la préservation du petit poisson. Car, sous ses dehors odorants et débraillés quand elle copine avec les flammèches d’un barbecue, la sardine est un poisson très fragile dont la peau a tendance à se fendre et ses entrailles à s’ouvrir sous l’effet d’une simple pression. Elle exige par conséquent d’être manipulée avec délicatesse, de façon exclusivement manuelle pour ne pas altérer sa qualité.

 

Une tradition artisanale

On ne s’intéresse bien sûr qu’à la production artisanale dont les méthodes n’ont guère changé depuis la découverte de l’appertisation et de l’autoclave. Une production artisanale qui se décline tout en nuances, pour vous faire découvrir des goûts de sardine qualitativement proches mais gustativement très différents. Les plus petites arborent des reflets dorés, accentués par le jutage dans une huile d’olive fruitée. Leur chair d’une jolie couleur crème est ferme (cuisson dans un bain d’huile avant d’être longuement égouttées) mais fondante en bouche, y compris l’arête centrale qui n’a laissé que les bienfaits du calcium, car elle ne s’offrent à la dégustation que plusieurs années après leur emboîtage. Confites à souhait, elles offrent une matière tendre et savoureuse et une belle longueur de bouche.

D’autres ont un calibre un peu plus généreux et se différencient par un goût plus iodé, plus proche d’un poisson frais à cause de leur cuisson à la vapeur et du choix d’une huile d’olive beaucoup plus légère (à l’œil, les reflets sont plutôt argentés). Charnues avec une bonne consistance en bouche, elles séduiront les amateurs de saveurs franches.

 

Pêche locale et traitement rapide du produit

 

Mais toutes les sardines ne peuvent pas prétendre être la reine de la boîte. Il faut qu’elle soit de l’espèce sardina pilchardus (seule habilitée à se la jouer coller serrée en dehors de son milieu d’origine) pêchée à l’aide de petits filets qui ne compressent pas sa chair et toujours entre mai et octobre, car c’est aux beaux jours que son goût est le plus savoureux.

Dès le retour des bateaux de pêche, les sardines fraîches sont triées sur le volet et sélectionnées selon leur calibre et leur teneur en matières grasse afin de garantir leur moelleux. Puis le processus de fabrication s’enclenche immédiatement entre des mains expertes, exclusivement féminines faut-il le préciser en raison du partage des tâches originel où les hommes maniant le fer à souder, c’est les femmes qui manipulaient  le petit poisson.

 

Comment se fabrique une sardine d’excellence

 

Les sardinillas (le plus petit calibre de sardines) sont lavées dans de la saumure, éviscérées et étêtées avec soin, séchées sans brutalité et cuites avec une précision horlogère. Ensuite, on leur sectionne le collet et la queue avant de les emboîter le ventre brillant tourné vers l’ouverture (on les dit alors « parées au blanc »). Enfin, juste avant le sertissage, elles sont recouvertes d’huile d’olive.

Si les étapes sont les mêmes dans le processus de fabrication, les choix du calibrage, de la cuisson, de l’huile sélectionnée et de la garde comme on l’a expérimenté, influent directement sur la saveur désirée et sur le choix que l’on va opérer avant de se jeter à l’eau.



04/01/2019
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